Dans une société en
accélération, chacun cherche à maîtriser son temps
et à apprivoiser le bonheur. Pour cela, la
nouvelle tendance est d'avancer l’heure du réveil
pour mieux se retrouver. Ou mieux, profiter des
autres. Bienvenue dans le monde des
"morningophiles".

La vieille maxime prend un coup de jeune:
l’avenir appartient plus que jamais à ceux qui
se lèvent tôt. Ce n’est pas Mercedes Erra,
l’énergique fondatrice de l’agence de publicité
BETC, aujourd’hui à la tête de Havas Worldwide,
qui dira le contraire: "Se
lever entre 5 heures et 5 h 30 n’était pas
forcément naturel au départ!", explique
cette boulimique de travail, rarement au lit
avant minuit. Mais, au fil des années et de
l’accumulation de ses responsabilités tant
professionnelles que familiales, c’est devenu
pour elle un besoin. "J’ai
le sentiment de mieux maîtriser ma journée,
poursuit cette mère de cinq garçons très
impliquée dans la défense de la cause
féminine. En général, je travaille sur la
table du petit-déjeuner puis je me prépare.
Toute la maisonnée dort, je ne suis pas
dérangée et je peux régler des questions bien
plus rapidement et efficacement."
Autre exemple, celui de Jean-Philippe Puig.
C’est à ses débuts chez Pechiney, à l’aube des
années 1980, en usine, qu’il a appris à goûter
les bienfaits du lever tôt pour optimiser sa
journée de travail. "C’était
le seul moyen d’avoir un contact avec le
personnel de nuit au moment du changement
d’équipe", raconte l’industriel, qui a
travaillé plusieurs années dans l’aluminium,
notamment en Grèce et en Australie, où la
journée de travail commence plus tôt qu’en
France. Depuis qu’il a rejoint, en 2012, la
direction générale d’Avril, la maison-mère des
huiles Lesieur, cet ingénieur chimiste de
formation n’a pas changé ses horaires pour
autant. "J’évite
les bouchons du matin dans l’Ouest parisien
et, surtout, je peux régler rapidement un
grand nombre de sujets autour d’un café,
notamment avec le directeur financier, avant
d’enchaîner réunion sur réunion de 9 heures à
18 heures. C’est au moins aussi important que
les réunions formellement programmées."
Depuis quelques semaines, cet amateur de jogging
le week-end fait également un crochet une fois
par semaine par une salle de sport.
Indispensable pour garder la forme.
D’une durée variable, les rituels du matin sont
plus ou moins denses selon les individus. Sport,
lecture, informations, mails, voire
méditation... La nouveauté, c’est d’avancer
délibérément le réveil d’une heure, voire plus,
pour mieux profiter de la journée. Quand les
outils mobiles tendent à estomper les frontières
entre le professionnel et le personnel, le jour
et la nuit, le besoin de récupérer la maîtrise
de son temps va croissant. Cadre dans un cabinet
de conseil à Londres, Chourouk en avait assez de
courir tous les matins, sans même prendre une
tasse de café avant d’attraper le métro. "Il y a un an, j’ai
décidé d’avancer d’au moins une heure et demie
la sonnerie de mon réveil, explique
cette sémillante trentenaire aux boucles
sombres. Simplement
pour prendre le temps de petit-déjeuner en
regardant les informations ou en écoutant de
la musique et en faisant quelques rangements.
Au bout de quelques semaines, j’ai noté une
réelle différence dans mon quotidien : plus de
rush pour partir le matin, une alimentation
plus équilibrée et moins de coups de pompe
dans l’après-midi."
Promu l’an dernier à la tête de la direction
commerciale de Volvo Trucks France, Jean-Pierre
Bellec, lui, a décidé de changer son emploi du
temps pour se mettre au yoga, qu’il a découvert
un peu par hasard, grâce à une amie. Tendance
oiseau de nuit, ce quadragénaire sportif se lève
à présent bien plus tôt pour pratiquer une
version plutôt sportive de cette discipline
pendant une heure et demie. La séance est
réduite à 20 minutes quand il a un avion ou un
train à prendre. Depuis, cet ancien alpiniste se
sent "à la fois
plus libre et plus détendu pour encaisser
toutes les contraintes subies au long de la
journée". Et cerise sur le gâteau, il
dort mieux!