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Le billet cinéma du jour

Mon roi, mon rêve, mon destin

Stéphane Masson Par Stéphane Masson de Coach-Plus.fr | 26 octobre 2015 à 18h22
C'est l'histoire d'une femme, Tony (Emmanuelle Bercot) sur le chemin de sa réparation à la fois physique, après une chute de ski et psychique, après le deuil de sa relation amoureuse intense avec son mari, Georgio (Vincent Cassel). Un homme, dont elle n'a jamais vraiment cerné les contours.

Mon roi de Maïwenn

Aveuglée et séduite par un personnage cabotin, aisé (patron d'un restaurant à Paris, bel appartenant, bel voiture) et généreux, elle apprendra à ses dépens les faiblesses de cet homme, tour à tour fragile et déconcertant de froideur, devenu son mari et le père de son fils. Basé sur des repères fragiles, étayé par une complicité très forte, une empathie salutaire, un humour omniprésent, le couple avance pourtant sur un parcours pavé de déconvenues. Surtout pour elle. Le contrat, clairement improbable dès l'entame, souffre de découvertes navrantes. Le séducteur haut en couleur et charismatique des débuts se révèle comme un être auto-centré. Cet homme, à la parole déliée à l'aube de la relation pour cette femme blessée par sa dernière aventure amoureuse, est irrémédiablement addict à son environnement amical, à la fête, à l'alcool, à la drogue et au sexe. Complètement immature et dénué d'égard et de respect pour sa femme, il se montrera même sous les traits d'un odieux manipulateur. Et pourtant, elle l'a aimé, d'un amour foudroyant. Passionnée d'emblée! 
C'est la prise de conscience d'une femme leurrée, profondément déçue et blessée qui, malgré la chute dans de sombres abîmes, va réagir et reprendre sa vie en main. Une démonstration de résilience.

''Mon Roi'' de Maïwenn (sortie le 21 octobre 2015)
Avec Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot
Emmanuelle Bercot obtient le Prix d'interprétation féminine à la 68ᵉ édition du Festival de Cannes pour ce film
Disponible en DVD le 26 février 2016

Interactions

Charline D. odieux manipulateur... le mot est faible
Stéphane Masson Est-il à blâmer pour autant?
Charline D. c'est discutable. On ne peut pas considérer non plus que Tony soit l'unique victime de cette passion destructrice mais il faut quand même dire que Georgio est un "fabuleux" pervers narcissique.
Stéphane Masson Pervers narcissique... Georgio en a le profile, c'est vrai !!! Mais, il est également vrai que Tony a une part de responsabilité dans cette aventure à l'épilogue amer. 
La posture de Tony est la problématique de bon nombre de personnes dans ce type de relation amoureuse. Giorgio joue sa carte (je séduis, je consomme, je manipule, je conspue lorsque l'on ne va plus dans mon sens). Elle accepte le jeu et pose la carte correspondante (je suis séduite, je suis consommée et manipulée mais je n'en suis pas consciente car amoureuse et lorsque je me rends compte de la situation désastreuse dans laquelle je suis, je me révolte à cor et à cri dans une confusion émotionnelle énorme). Elle s'est d'abord attachée au plaisir et au bonheur immédiat (ça se comprend, surtout au sortir d'une relation pas très épanouissante). Cet état de grâce est réel mais malheureusement ne dure pas dans le temps dans ce type de relation. Elle est aveuglée par ses sentiments, a confiance (ingrédient nécessaire pour construire une belle relation de couple) et veut croire en son ''Roi''. Elle aurait peut-être dû verrouiller certains détails (qui n'en sont pas du reste, l'histoire le prouve), comme s'assurer de la fiabilité, fidélité... de Georgio avant de s'engager complètement et de souffrir de la sorte par la suite. Mais le cœur à ses raisons que la raison de connaît pas!
Jessica V. Je pense qu'il faut l'avoir vécu pour bien comprendre la complexité de ce genre de relation destructrice, la complexité également de la personnalité du manipulateur pervers narcissique et ne pas tirer de conclusions trop hâtives sur la soi-disant "responsabilité de Tony".
D'ailleurs est-ce vraiment cette probable prise de conscience qui la met dans cet état de crise? S'en rend-elle vraiment compte? Malheureusement, c'est plus compliqué que ce que ce film, très bien fait et déconcertant, essaie de montrer.
Stéphane Masson Nous avons tous une part de responsabilité dans toutes nos relations -familiales, couplaires, amicales, professionnelles- (cf Eric Berne – L'analyse transactionnelle), charge à nous, lorsque la situation n'est plus conforme à nos attentes, adossées à nos valeurs personnelles et nos besoins profonds, de nous en extraire sans délai. Facile à dire mais pas facile à faire, je vous l'accorde. Dans ce type de situation, où Tony est la victime (je tiens à le rappeler), l'idéal serait de se faire aider, accompagner pour être en capacité de prendre des décisions radicales et tranchées, hors émotions (hors sentiments). Et de s'y tenir. Encore une fois, facile à dire mais pas facile. Mais ça se fait.
Jessica V. Malheureusement, tout ça n'est que théorie. Quand la situation est vécue, qu'elle soit ou non conforme à nos valeurs, on ne s'en extrait pas comme ça. Le propre de ces manipulateurs est justement de réussir à faire douter sa victime de ses propres valeurs au point qu'elle ne cesse de se remettre en question et qu'elle en perd pied.
Il est également intéressant de mener une recherche sur la personnalité destructrice des manipulateurs narcissiques pour bien comprendre toutes les dimensions du film, comprendre ce que vit Tony et comment elle est arrivée là.
Dans cette histoire Tony reste la victime et, quelles que soient ses failles, elle n'est pas "responsable" de ce qu'elle subit. De manière générale une victime n'est jamais responsable d'une violence qu'elle subit.
Dans ce film Tony est victime de violences psychologiques qui malheureusement ne sont pas assez bien reconnues aujd. (Ça ne laisse pas de marques physiques et puis quelque part... elle a dû le chercher un peu aussi.....)
Partir, quitter le manipulateur, n'est pas si simple non plus et, encore une fois, il faut vivre cette situation pour le comprendre.
Ce n'est pas qu'une simple question de volonté (qu'il y ait une aide extérieure ou non). D'ailleurs, même si la victime en a la volonté, un manipulateur narcissique ne se laisse pas quitter si facilement que ça.
Dans cette relation, rien n'est simple, rien n'est commun et donner un jugement exterieur quand la situation n'a jamais été vécue semble "facile" effectivement.
Il est dommage que les victimes de ces personnalités particulières ne soient pas assez bien prises en considération.
Stéphane Masson Non, non, tout cela n'est pas théorique mais bien du concret et des années d'expérience dans ce domaine. Et donc, pas nécessaire de l'avoir vécue pour bien comprendre la situation. Le canevas est malheureusement et dramatiquement le même dans tous les cas de ce genre.
En général, ce n'est pas conforme aux valeurs de la victime et c'est en cela que (au départ) cet exotisme est très attirant. Le mot doute est très important. Il qualifie la nature sensible et fragile de la victime qui a d'autant plus besoin d'un coup de main extérieur pour reprendre pied dans une certaine réalité (sa réalité) et confiance en elle. La recherche sur la personnalité du manipulateur n'est pas nécessaire pour se sortir du guêpier (trop complexe) et l'idée est de sortir du contexte de la relation et de bien se concentrer sur soi. La réflexion menée n'est pas focalisée sur le pourquoi la victime en est arrivée là (réflexe humain et malheureux très courant) mais bien de trouver le comment se sortir de là.
En effet, Tony est bien la victime et n'est pas responsable des maltraitances qu'elle subit (nous sommes bien d'accord). Néanmoins, sa part de responsabilité est engagée dans la mesure où, dans le temps, elle accepte, malgré elle, certaines choses par amour. Dans un sens, elle cautionne les dysfonctionnements de son conjoint. Elle accepte. Elle entre (malgré elle bien entendu -inconsciemment) dans le jeu du manipulateur (jeu transactionnel Parent persécuteur/Enfant soumis). Jeu duquel il faut casser la trame. Encore une fois, facile à dire mais facile à mettre en œuvre (action longue, laborieuse et éprouvante). Et bien sûr, ce n'est pas qu'une question de volonté mais un réel apprentissage cognitivo-comportemental.
Des choses se mettent en place au niveau national pour aider les victimes de ce type de maltraitance (c'est lent, c'est long, trop long. C'est en route : numéro de téléphone 3919). Par ailleurs, bon nombre de professionnels (psy, coach...) sont très compétents pour accompagner ces victimes.
Comme a priori vous l'avez vécue, vous pourriez nous dire comment vous vous en êtes sortie? Quel moyen, quel bras de levier avez-vous actionné?
Jessica V. Oui, j'ai fait l'amer expérience de cette relation et ce film sonne en moi comme du vécu.
J'ai eu du mal à me sortir de cette relation. Et cela s'est fait aussi à coup de crises et d'accidents (pour ma part ce fut accident de voiture où, d'épuisement physique et psychologique je me suis endormie au volant).
Il m'a fallu aller puiser au plus profond de moi pour savoir dire définitivement stop (peut-être une forme d'instinct de survie?), ne plus céder et ne plus y retourner surtout. (quand le PN sent que sa victime essaye de partir, il use de différents subterfuges qui peuvent passer de la gentillesse à la violence physique voir la menace et c'est à ce moment là où il faut être fort).
Je n'ai jamais parlé de ce que je vivais à personne par honte, peur d'être jugée et incomprise. D'ailleurs, j'ai eu conscience d'avoir eu à faire à un PN qu'une fois sortie de cette relation. Quand on est dedans on ne voit rien et le manipulateur nous incrimine tellement pour tout qu'on en vient vraiment à croire que si la relation se passe mal, c'est de nôtre faute.
Le PN est une personnalité aux contours flous qui parvient à mettre sa victime dans une situation d'instabilité émotionnelle provoquant, à la force des choses, des crises d'hystérie chez elle.
Honnêtement, je ne sais pas quels leviers j'ai mis en place pour m'en sortir.
Finalement peut-être juste une sorte de force qui m'a fait prendre conscience que je perdais pied et qu'il fallait que je m'en sorte.
Quand la relation s'est terminée je l'ai enterrée en me disant très simplement que comme l'histoire était terminée j'allais pouvoir passer à autre chose... malheureusement ce n'est pas si simple, aujourd'hui, je vis avec des traumatismes et des peurs qui engendre encore chez moi des "crises" reflexes.
Par conséquent, pour m'en sortir de manière concrète, et bien je vais voir une psychologue depuis peu qui m'aide à reprendre confiance en moi ��
.
Pour moi, il y a une incohérence lorsque tu dis que Tony est "responsable mais de manière inconsciente".
Stéphane Masson Tony est "responsable mais de manière inconsciente"... oui, car elle accepte malgré elle de rentrer dans le jeu. Une autre personne, avec un autre tempérament (une approche systémique différente) ne serait peut-être pas tombée dans cette problématique. Aurait refusé le jeu et se serait extraite d'emblée de la situation quelles que soient les manoeuvres du manipulateur. Comme pour un escroc qui veut te vendre un contrat d'assurance bidon (exemple caricatural et grossier, je te l'accorde, mais l'exemple est parlant). Tu as de choix de refuser ou de signer. La différence est l'engagement et l'impact émotionnels que crée la situation. Très difficiles à gérer pendant et après.
Jessica V. Je pense que ce n'est pas qu'une histoire de tempérament.
Je crois également que n'importe qui (n'importe quel tempérament) pourrait tomber dans cette relation en se retrouvant, à un moment de sa vie, plus sensible voir fragile à cause d'une periode compliquée (rupture amoureuse par exemple) Je ne pense pas qu'il soit possible de reconnaître un pervers narcissique au tout début de la relation non plus.
Il ne faut enfin pas sous estimer la puissance de l'emprise. Le PN est une personnalité floue (perverse), qui place sa victime dans une instabilité émotionnelle et psychologique. Quand elle commence à s'en rendre compte le pb est déjà bien encré et la victime totalement perdue. Et le fait de ne pas partir ne signifie pas qu'elle accepte la situation. Elle est quelque part prise au piège.
Pour ma part la relation amoureuse a eu lieu sur 2 ans mais je pense que l'emprise a débuté bien avant, dans le milieu professionnel.
Non, je n'ai pas eu le réflexe de me faire aider car je pensais être assez forte pour remonter la pente. Je me disais que l'histoire étant terminée je passerais à autre chose... je me suis totalement voilée la face en sous estimant grandement ce que j'avais vécu et le traumatisme qui est resté en moi. J'ai essayé de reconstruire des choses mais sur des bases instables on ne reconstruit rien.
Donc, j'ai commencé à me poser des questions pour finalement me rendre compte que j'avais besoin d'aide pour me reconstruire et retrouver confiance en moi. ��
Dji Dji Se rend-il compte qu'il est manipulateur?
Stéphane Masson La remarque est très bonne. C'est dans son fonctionnement. Il est autocentré. Il n'est pas conscient du mal qu'il génère. Il est indifférent et complètement dénué d'empathie. Il ne se rend pas forcément compte de son comportement délétère.
Dji Dji 
Du coup, le mal qu'il génère n'est pas volontaire?
Du coup, il serait excusable?
Du coup, le terme victime serait moins approprié?
Jessica V. Si un enfant subit des sévices sexuels de la part d'un adulte. Qu'au procès, après une analsye psychologique, il est en conclu que cet agresseur a un trouble psychique ayant pour conséquence qu'il n'a pas conscience que ce qu'il a fait est mal (pour grossir les traits), doit-on par conséquent considérer que cet enfant n'est pas victime de ce pédophile? (J'ai pris cet exemple "choquant" exprès).
Jessica V. ll ne faut pas tirer des généralités.
Le fonctionnement reste le même chez tous mais ils n'ont pas tous le même niveau de conscience. Ils restent néanmoins des manipulateurs hors-pair car ils savent à quel moment manipuler et comment s'y prendre pour que ça fonctionne. Donc, ils sont quand-même conscients de ce qu'ils font. Ils ont effectivement un problème de développement interne, ils sont dénués d'empathie et n'ont pas la capacité de se remettre en question. Malheureusement le mal qu'ils font est réel rendant bien son statut de victime à la personne qu'ils mettent sous emprise.
(Je dit "ils" mais bien entendu il peut s'agir d'hommes ou de femmes).
Dji Dji Soyons fou, allons plus loin.
Stéphane Masson parle d'une personne autocentrée, sans empathie. Ok. Mais par rapport à quoi? A qui?
On est gentils/ méchants par rapport à ce qu'on nous à inculqué. Mais y a-t-il une règle, une norme?
Dans certains pays, il est normal de couper la tête des gens. Dans d'autres c'est normal de manger des escargots (et je te parle pas de la délicieuse cervelle).
Ici on a mutuelle et chômage car tout le monde il est gentil.
Aux US c'est chacun sa merde. Pas gentils?
Pour en revenir au film et peut-être à la réalité, est-ce que c'était volontaire et donc planifié de sa part? Donc méchant vu d'une certaine normalité. Où est ce venu au fil du temps? Par hasard? Dû au simple principe des dominants/dominés?
Stéphane Masson Autocentré, c'est par définition intrinsèque, orienté vers sa propre personne. Et ''sans empathie'' induit le manque de bienveillance envers les autres et le fait de ne pas tenir compte de leurs ressentis, émotions, souffrances...
La norme n'existe pas. Il n'y a que des règles et des convenances sociales que chacun, dans une société organisée et civilisée, se doit de respecter. Il y a également des lois qui interdisent et punissent certaines dérives humaines, comme le viol, la violence physique, le harcèlement, la diffamation...
Dans le film... est-ce volontaire?
Un sujet autocentré n'est piloté que, et uniquement que, par ce dont il a envie (et par l'assouvissement de ses besoins). Même si c'est aux dépens, au détriment des autres...
Ce type de comportement est-il volontaire? Si l'auteur est mentalement équilibré, oui, c'est volontaire car il est censé être responsable de ses actes.
Est-il planifié? Oui, non seulement, l'auteur planifie mais il calcule, prémédite.
Est-ce méchant? Tout dépend de l'angle de vue. Si le manipulateur est l'un de vos amis, vous aurez tendance à minimiser, à relativiser, à excuser... Si cela vous arrive, à vous, ou à un de vos proches cher à votre cœur, l'appréciation sera certaine très différente et beaucoup moins clémente!
Ce type de comportement peut s'installer insidieusement au fil du temps, avec des déconvenues humaines régulières (apparues parfois dès le plus jeune âge) et la frustration grandissante. Mais pas seulement. La problématique est complexe et multifactorielle, comme le manque de confiance en soi... Le sujet peut prendre de l'assurance avec le temps et au bénéfice de ses expériences de manipulateur. Il est d'autant plus performant avec des victimes sensibles, fragiles, fragilisées, réceptives et humaines qui ne se méfient pas et entrent naïvement et en tout confiance dans le jeu transactionnel.




"La violence psychologique, c'est de la violence tout court".
Campagne de sensibilisation à la violence psychologique dans le couple. Une initiative de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Wallonie et de la CoCoF.
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